Parmi les chercheurs nominés à l’Institut universitaire de France en 2022, découvrez le parcours de la biologiste Hanna Hlawaty, chercheuse du laboratoire LVTS (Laboratory Vascular Translational Science) et maitresse de conférence en biologie cellulaire à l’Université Sorbonne Paris Nord.
Comment devient-on chercheuse ?
Hanna Hlawaty : Depuis toute petite je baigne dans une culture du sport, de la santé, ma mère étant médecin cardiologue et mes grands-parents professeurs en STAPS. Le corps humain est important, ainsi que la santé du corps. Mon premier métier de cœur c’était l’enseignement. J’avais mon petit cahier avec mes notes pour toutes mes copines en primaire.
Après le lycée, elle entre à l’université jagellonne de Cracovie pour suivre un cursus de 5 ans en biotechnologie (biologie cellulaire et moléculaire).
HH : Je suis passionnée par le fonctionnement du corps humain, pourquoi on tombe malade et comment soigner la maladie. Pour aller plus loin que la médecine qui applique, ce qui m’a intéressé c’est ce qui n’existe pas encore. Les biotechnologies, c’est un domaine qui réfléchit à la thérapie, et puis qui la produit. Par exemple, les vaccinations sont faites dans un grand processus biotechnologique.
En 4e année Hanna obtient une bourse Erasmus et intègre le laboratoire La Source à Orléans pour un stage de 6 mois au sein d’une équipe CNRS qui a travaillé sur les transferts géniques : comment transférer, et modifier les gènes. En 2004 elle commence son doctorat en génie biologique médical grâce à une bourse de 3 ans de l’université (anciennement Paris 13), et entre dans un laboratoire Inserm, dans le domaine des maladies cardiovasculaires (U1148 LVTS), au sein duquel elle travaille toujours. Elle travaille avec le modèle in vitro, donc les cellules, mais aussi in vivo, c’est-à-dire le modèle animal (la souris et le lapin à l’époque).
Nomination à l’Institut Universitaire de France
En octobre 2022, Hanna Hlawaty est nommée membre junior de l’IUF au titre de la chaire innovation.
Deux aspects jouent dans une nomination de l’IUF :
- La qualité du chercheur (son CV),
- Son projet de recherche sur 5 ans. Ce projet doit être un tremplin vers l’international.
Cette nomination permet d’avoir un financement (15 000 euros par an pendant 5 ans), mais surtout une décharge d’heures de cours (64 heures de cours au lieu de 192h), et une prime d’excellence d’encadrement doctoral versé au chercheur, qui gagne par la même occasion 1 an d’ancienneté.
HH : C’est une reconnaissance importante. L’Institut Universitaire de France a une renommée nationale, donc c’est un as qu’on a en main. Ça apporte aussi une crédibilité au projet, car il est approuvé au niveau national.
Quel projet innovant lui a valu cette nomination?
Le projet qui lui a valu cette nomination est une recherche sur les greffes de valves personnalisées.
Aujourd’hui, on a deux options pour une greffe de valve :
- une valve mécanique en métal,
- une valve biologique (porcine ou à partir de tissus de cheval).
Dans ces deux cas de figure le patient doit prendre beaucoup d’anticoagulants après l’opération, qui est par ailleurs une opération très lourde à cœur ouvert. De plus, la taille de ces valves est difficilement adaptable, en particulier pour les nouveaux–nés. La création de valves personnalisées entend répondre à ces enjeux. Les valves personnalisées sont imprimées par des imprimantes 3D avec des biopolymères.
HH : L’impression 3D existe déjà. Vous pouvez vous imprimer en un quart d’heure. Ici le concept est le même, mais le support pour l’impression n’est pas un plastique, mais une matière assez semblable au silicone que le corps ne rejette pas.
L’objectif est de terminer un modèle préclinique dans 5 ans, testé sur un grand animal comme le porc. Suite à cela, des patients volontaires seront recrutés pour participer à la phase suivante.
Son travail au sein du Laboratoire LVTS (Laboratory for Vascular Translational Science)
Maintenant, grâce à l’IUF, Hanna Hlawaty se consacre davantage à l’avancée du projet qu’à l’enseignement. La première étape : imprimer les valves. Pour cela, elle collabore notamment avec une entreprise d’ingénieurs en matériaux.
HH : Je suis la porteuse de projet. C’est donc mon rôle de manager le timing, mais aussi de trouver les financements, car il faut toujours alimenter le projet. Une cellule humaine peut coûter jusqu’à mille euros, donc un projet de cette ampleur requiert des dizaines de millions d’euros, rien que pour le matériel et le personnel.
Ce qui la motive dans son travail
HH : J’aime la transmission des savoir-faire : je transmets ce que je sais et j’apprends de leur façon de voir les choses. Dans l’équipe, plein de domaines se croisent : physique, chimie, médecine, ingénieurs de biomatériaux, informaticiens, biostatisticiens…Je crois que pour faire avancer un projet si complexe et pluridisciplinaire, il faut s’entourer de gens passionnés, et qui ont envie de collaborer, malgré les difficultés pour trouver un langage commun. Cet effort pour comprendre l’autre est enrichissant, il permet de mieux appréhender la problématique. Et de l’autre côté je suis enseignante, donc j’ai un contact constant avec la jeunesse, cette soif des sciences et d’apprentissage, et donc je ne stagne jamais. Ce qui me motive c’est aussi faire le lien avec la recherche appliquée. On ne se noie pas dans la bibliographie, la littérature, mais on fait des expériences in vitro au niveau cellulaire, puis in vivo chez l’animal (c’est ce qu’on appelle un modèle préclinique). Et ensuite, il y a un appui fort pour aller vers l’homme. Il faut que ce soit très pratique, ce n’est pas que de la recherche fondamentale. On finit avec un modèle qu’on peut proposer à un enfant.
L’IUF lui permet aussi de faire le lien avec le grand public. Hanna a tenu à associer à son projet de recherche une association de patients qui attendent la greffe : Petit Cœur de Beurre. Dans ce partenariat, leur rôle sera de faire le lien entre l’équipe de recherche et les patients et parents. Par exemple, les enfants et leurs parents auront l’occasion de visiter le laboratoire, voire de faire quelques manipulations. Pour elle, ce lien avec les patients est important : « Ça donne l’espoir aux parents, ça rend la recherche concrète. »Hanna et son équipe restent par ailleurs en contact avec les chirurgiens cardiologues qui vont effectuer les opérations à la Piété Salpêtrière, l’hôpital Necker et la clinique de cardiologie de Cracovie.