Le constat est aujourd’hui accablant : les jeunes Français présentent des taux alarmants de surpoids et d’obésité, ils ne bougent pas assez.
Pourtant, l’activité physique est la première arme contre les pathologies chroniques. Ses effets se révèlent également très bénéfiques sur la cognition, la dépression et le sommeil. Des habitudes d’activité physique régulière, quotidienne doivent donc être prises dès l’enfance si l’on souhaite qu’elles soient conservées à l’âge adulte.
60 minutes d’activité physique modérée à intense par jour chez l’enfant, selon l’OMS
Chez les enfants, en particulier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fait de la lutte contre la sédentarité (et contre la malnutrition) une de ses priorités d’action. Selon l’OMS, les enfants de 5 à 17 ans devraient accumuler au moins 60 min par jour d’activité physique d’intensité modérée à soutenue (3 METs).
Le niveau d’activité physique est évalué selon la dépense énergétique journalière, exprimée en METs (Metabolic Equivalent Task). Une activité physique d’intensité modérée à très intense correspond à une dépense énergétique de 3 à 9 METs. Par comparaison, la sédentarité se caractérise par une dépense énergétique journalière inférieure à 1,6 METs.
Une sédentarité en progression quand les JO promeuvent le sport à tous les âges
L’activité physique que les enfants pratiquent à l’école primaire est rarement suffisante pour endiguer la progression de la sédentarité.
À l’heure d’une promotion médiatique intense autour de l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 en France, le gouvernement met en avant d’un côté les vertus de l’activité physique et du sport à tous les âges, sans nécessairement engager les mesures nécessaires pour que la formation initiale et continue des professeurs des écoles leur permette d’y répondre.
Indirectement, ces constats montrent que la place de l’éducation physique et sportive à l’école, plus connue sous l’acronyme EPS, est loin d’être clarifiée. Son positionnement, vis-à-vis d’une véritable action sur la santé, se situe à mi-chemin entre une pratique sanitaire et hygiénique et une pratique, actuellement valorisée, dans laquelle les enfants sont invités à réfléchir et à s’exprimer sur les activités effectuées pendant le cours d’EPS (les spécialistes parlent de « pratique réflexive »).
Chez les 6-17 ans, trop de surpoids, d’obésité et des performances physiques en baisse
Les données concernant la tranche d’âge de l’école primaire (3-10 ans) restent encore parcellaires. L’étude nationale de santé publique Esteban a fourni une image anthropométrique des normes corporelles des jeunes de 6 à 17 ans : 17 % d’entre eux étaient en surpoids et 3,9 % étaient obèses (autant les filles que les garçons), avec un taux de surpoids supérieur pour la tranche 11-14 ans.
Ces chiffres se sont stabilisés depuis les années 2000, après avoir régulièrement progressé depuis 1965, quand 3 % seulement des enfants étaient en surpoids.
L’étude Esteban précise que seulement 51 % des garçons et 33 % des filles âgés de 6 à 17 ans ont un niveau d’activité physique conforme aux attentes de l’OMS. Parmi eux, la tranche des 6-10 ans reste plus active, l’activité physique connaissant une baisse à l’entrée du collège. Le temps passé devant un écran passe de plus de 3h pour 45 % des 6-10 ans à près de 80 % chez les 15-17 ans.
Quant aux performances physiques des enfants, notamment en endurance, des études montrent qu’elles ont logiquement décru, quand elles sont mises en regard avec la hausse de l’inactivité physique et de l’augmentation de leur masse corporelle.
Selon certaines études, l’espérance de vie serait directement corrélée aux capacités cardiorespiratoires. Si cette d’hypothèse se confirmait, les jeunes nés au XXIe siècle seraient-ils alors les premiers à vivre moins longtemps que leurs aînés ?
« Si je n’arrive pas à boucler la séance de maths, l’EPS passe à la trappe… »
L’EPS y étant obligatoire, l’école primaire reste parfois le seul endroit où l’enfant aura l’opportunité de pratiquer une activité physique, même si les 8-11 ans pratiquent aussi du sport hors cadre scolaire. Ils constituent en effet la population la plus nombreuse à détenir une licence sportive, proportion qui décroît à partir du collège.
Si les programmes scolaires imposent 3 heures hebdomadaires d’EPS, des rapports indiquent une moyenne effective de 2h15. Cela souligne un déficit horaire important qui s’est aggravé ensuite pour baisser encore de 30 % en 2014-2015.
Les raisons de ce déficit sont en cours d’exploration. Il n’est, par exemple, pas rare que l’EPS soit considérée comme une variable d’ajustement face aux contraintes imposées par d’autres matières : « si je n’arrive pas à boucler la séance de maths, l’EPS passe à la trappe… »
Des pistes pour augmenter le volume horaire d’EPS
Si la santé de nos enfants représente une priorité nationale, ne serait-il pas nécessaire d’augmenter le volume horaire d’EPS à l’école primaire ? D’un point de vue physiologique, plus l’enfant bougera, plus sa santé en bénéficiera. De plus, les habitudes de pratique d’activité physique installées dès l’enfance peuvent perdurer dans sa vie d’adolescent et d’adulte.
Pour cela, plusieurs solutions sont envisageables.
La première consisterait à augmenter réglementairement le volume horaire hebdomadaire obligatoire, par exemple de 3 à 4 voire 5 heures, une mesure dont l’impact positif sur la santé cardiorespiratoire a été démontré au Canada. Toutefois, il semble peu pertinent de placer les différentes disciplines scolaires « en compétition », et une telle évolution ne pourrait se faire à volume horaire total et programme constants.
Une seconde possibilité serait de mieux optimiser le volume horaire existant pour atteindre un temps effectif d’activité physique de 3 h par semaine. Pour cela, il conviendrait de remodeler les emplois du temps, en réduisant les déplacements et les temps inactifs (dans les vestiaires notamment), mais aussi en privilégiant le temps d’activité effective par rapport aux phases de rassemblement, de réflexion, de retour au calme, etc. pour qu’a minima « le temps effectif de pratique physique ne soit pas inférieur à 80 % de la durée totale de l’activité proprement dite ».
Enfin, pour élargir les opportunités de faire de l’activité physique dans un cadre périscolaire, immédiatement après la classe, il serait souhaitable de faciliter l’accès au sport scolaire tel que proposé par les associations d’écoles de l’Union sportive de l’enseignement du premier degré (USEP). Cela pourrait se faire en élargissant l’offre proposée aux enfants et en facilitant l’accès à cette offre – notamment au niveau financier –, au besoin, via des aides de la municipalité.
Faire de l’EPS tous les jours, comme en maternelle
Pratiquer une activité physique tous les jours d’école est également un moyen de donner aux élèves une certaine habitude et envie de « bouger ». Toutefois, le découpage fréquent de l’horaire obligatoire en 2 séquences (généralement l’une de 2h, l’autre de 1h) ou le recours à des pratiques massées (c’est-à-dire des séances communes avec d’autres classes ou encore des rencontres sportives incluant plusieurs classes ou plusieurs écoles) éloignent de cette pratique quotidienne.
On peut, au contraire, imaginer des ateliers plus courts, avec des activités ritualisées qui évoluent au fil des semaines pour permettre une mise en place très rapide, efficace et autonome dans la cour avec l’aide des élèves.
Dans cette perspective d’une EPS quotidienne, l’école maternelle propose déjà des modalités intéressantes. Elle y est généralement dispensée au moins une fois par jour, le plus souvent dans une salle dédiée et aménagée, ce qui réduit d’autant les pertes de temps.
Ne pas oublier de former les enseignants
Les pratiques doivent évoluer. Mais tout changement devra être accompagné par des temps de formation à destination des enseignants pour qu’ils puissent eux aussi avoir le temps de comprendre, de réfléchir, d’échanger, de proposer…
Cela nécessiterait de renforcer la formation des enseignants du 1er degré en EPS, aussi bien chez les débutants que chez les confirmés, et leur proposer un accompagnement sur le terrain par des conseillers pédagogiques spécialisés.
Auteur
Eric Hermand, Maître de Conférences en physiologie, Université Sorbonne Paris Nord
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.